2009 28 Mars
Article Par naat-l dans RĂ©flexions
Tags:
2810 lectures, 3 commentaires
Poster un commentaire

Le DĂ©binage par Sylvain Mirouf 5/5

Cet article a entièrement été rédigé par Sylvain Mirouf. Après concertation, j'ai obtenu son accord pour une publication sur AoS...

Ce sujet est sans doute le plus récurant dans notre milieu.
Je ne détiens aucune vérité et je laisse le soin à chacun de réagir à cet article, mais je tiens à vous exposer ma vision des choses après 30 ans de magie. Le sujet portant en lui certaines subtilités, je tenais à éclaircir ces dernières afin que chacun puisse appréhender le sujet avec davantage de discernement.

Il existe deux familles de débinage. Le débinage direct et le débinage indirect.

A - Le débinage direct est celui que vous imposez ou que vous provoquez.


1 - Dans les débinages directs, vous retrouvez le débinage lourd, c’est-à-dire expliquer au plus grand nombre la méthode pour réaliser un tour de magie dont vous savez pertinemment que personne ne pourra le reproduire. Par exemple, expliquer à la télé le secret de la femme coupée en deux est un pur débinage.
2 - Vous avez également le débinage des conférences où le conférencier dévoile ses méthodes à des « magiciens » dont certains n’ont clairement pas le niveau pour reproduire les effets.
3 - Le débinage d’orgueil. C’est le magicien frustré qui explique à un spectateur, le tour que ce dernier a vu faire par le magicien de chez Patrick Sébastien. On retrouve cette attitude chez certains « professeurs » qui donnent des cours de magie et qui enseignent à leurs élèves le tour présenté par le magicien de la télé.
4 - Le débinage de soulagement. C’est donner la solution du tour que l’on vient de faire parce que le spectateur vous supplie de le lui expliquer.
5 - Le débinage involontaire. C’est le magicien qui réalise mal son tour et que tout le monde comprend.
6 - Le débinage de second degrés, c’est-à-dire un tour à deux étapes ; la première étant dévoilée pour ensuite mieux tromper le public sur la chute du tour (ex : carte au ballon de Kévin James)
7 - Le débinage éducatif. C’est celui que vous allez faire volontairement pour sensibiliser vos spectateurs à l’intelligence et au travail qui se cache derrière la réalisation d’un tour. Ce peut être également la réponse à quelqu’un qui souhaite apprendre un tour.
8 – Le débinage gag. Dévoiler le secret d’un tour durant sa présentation afin d’obtenir les rires du public.
9 – Le faux débinage. C’est donner une explication crédible au tour que l’on vient d’exécuter qui n’a rien à voir avec la méthode réellement employée.

Vous constatez ainsi que certains débinages sont néfastes pour notre métier et que d’autres sont inhérents à notre métier.

B - Le débinage indirect

En revanche, celui-ci est lié à la démarche personnelle que peut faire le grand public pour connaître les secrets, soit pour satisfaire sa curiosité, soit pour s’initier. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’une démarche intéressée pour apprendre la pratique et non assouvir une curiosité mal placée.

Dans les débinages indirects, vous avez le débinage littéraire, l’ internet ( parfois), et le débinage des produits dérivés grand public (marchands de trucs, dvds, boîtes de jouets … ) .
Ces débinages indirects sont les moteurs des nouveaux passionnés qui rejoignent nos rangs chaque année. Aux États-Unis, la prolifération des boutiques de magie à permis la démocratisation de notre passion. Plus l’économie d’une pratique est développée, plus cette pratique se développe. Ceux qui condamnent le développement économique de notre pratique font preuve d’une jalousie mal placée ou d’une immaturité de pensée.

Les amateurs éclairés, qui sont tous passés par cette étape de débinage indirect afin d’acquérir des connaissances, ont trop souvent tendances à vouloir s’octroyer l’exclusivité de ce savoir afin d’être unique. Il s’agit là d’une réaction d’orgueil fort mal placée. J’aurai tendance à dire que cette attitude trahie des problèmes plus profonds… .
Doit-on brûler aux piloris les Max Maven, Lance Burton, Mark Setteducatti, et autres Majax pour leurs produits dérivés grand public. On pourrait émettre des réserves quant au contenu, c’est-à-dire un produit dérivé qui dévoilerait certains tours qui feraient de l’ombre au répertoire de chacun et c’est pourquoi les réactions sont si diverses d’un magicien à l’autre. En réalité, plus les magiciens sont mauvais, aussi bien d’un point de vue technique, originalité et jeu d’acteur, plus ils réagissent mal à toutes formes de débinage quelle qu’elles soient.

Le problème n’est pas tant le débinage que son mode de diffusion. Un livre imprimé à 500 exemplaires vendu chez les marchands de trucs n’a pas la même portée qu’un dvd vendu en kiosque. Mais ne vous y trompez pas. La démarche est la même. Seule la diffusion diffère.
Lorsqu’un artiste à acquis une image, il promotionne son nom à travers ses produits et il gagne sa vie avec. Cela peut être enviable mais est-ce vraiment condamnable ? Je rappelle que lorsque l’artiste donne son image, le produit dérivé a intérêt à être de qualité sans quoi c’est l’image de l’artiste qui en pâtit.

En conclusion, ne vous y trompez pas, je suis très attaché aux secrets.
J’ai la grande chance d’être dépositaire de certains prototypes ou écrits que je protège.
Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis sensible à la déontologie des créateurs. L’arbitrage que je me dois de faire lors de la diffusion d’un produit grand public, n’est pas toujours évident. Mais je sais aussi à quel point les individus ont peu de mémoire. Juste un sentiment d’ensemble. Je crois profondément que nous devons donner l’illusion de pouvoir partager un peu nos secrets.
C’est également une méthode pour élargir notre public car mettre parfois le public dans la confidence, c’est le valoriser.
Enfin, ne perdons pas de vue le sens et l’émotion. Le sens pour procurer un intérêt à ce que nous faisons, et l’émotion pour flirter avec l’art. Le truc, bien qu’indispensable, n’est qu’accessoire.

Bien Ă  vous.


Sylvain Mirouf



 Merci de distinguer le marchandising saint dont je parle ici , c’est-à-dire celui qui diffuse le travail des créateurs, de celui qui s’opère actuellement chez certains marchands de trucs américains et qui pollue le marché par de mauvais plagiats.

Commentaires

Le 21 Juillet 2009 par pasky :
4/5
21/07/09

Je viens de lire avec attention l'article de Sylvain Mirouf, de même que les commentaires de gilbus concernant le débinage.

Je comprend les inquiétudes de l'un et de l'autre, mais je crois qu'en fait cela n'est pas si important.

Bien entendu il y a différentes formes de débinage, le catalogue que nous fais Sylvain et les commentaires de gilbus démontrent une variété énorme de façons de dévoiler le secret. Mais pourquoi certaines seraient elles reprochables et d'autres non.
De tous temps le maitre a transmis son savoir à l'élève, au disciple ou à l'apprentis. Le maçon ne nait pas maçon, le patissier ne nait pas patissier, le magicien ne nait pas non plus magicien. Pour apprendre, il faut des gens qui débinent, qui partage leur savoir et expérience. Le magicien utilise des secrets d'autrui, s'il est bon il paufinera, améliorera ses connaissances, mais en fin de compte il aura eu besoin de quelqu'un qui débine.

Je crois que le problème réside dans le fait qu'aujourd'hui il n'y a plus besoin de maitre pour connaitre les secrets du magicien; livre, DvD, internet, l'information est là pour celui qui  veut la prendre.
Nous sommes Ă  l'Ă©poque de la surinformation.
Pourquoi acheter une encyclopedie puisque nous avons
wykipedia qui nous dit tout ce que l'on veut, même si l'information que l'on nous donnent est bien souvent erronées ou incomplètes.

Mais ce n'est pas parceque je suis capable de faire 50 tours de cartes apprit sur internet sans me tromper que cela fait de moi un magicien.
Le talent ne s'apprend pas sur un DvD, ni dans un livre, il se travaille au fil des ans, et des représentations du magicien.
Le magicien prodigue de la magie, de l'illusion, de l'émotion,  moi je ne fais qu'un vulgaire truc de cartes au coin du bar.
Laissons les débineurs débiner à satiété, et quand au spectateur qui dit :" je sais comment il fait", en fait, il ne sait rien.

Merci en tous cas à Sylvain et Gilbus pour leur article et commentaires, qui m'ont donné matière à réfléchir, mais je reste sûr que les magiciens, les vrais, les bons, ont encore de belles années devant eux.

Le 06 Avril 2009 par Anton :
5/5
Merci pour ce super article , qui donne a réflechir,car la limite du débinage dans certains contexte et dure a définir
Le 02 Avril 2009 par gilbus :
5/5

Belle analyse !

 

« 2 - Vous avez également le débinage des conférences où le conférencier dévoile ses méthodes à des « magiciens » dont certains n’ont clairement pas le niveau pour reproduire les effets. »

 

J’aurais pour ma part mis plutôt cela dans les débinages indirects, puisque ceux qui assistent à une conférence font un effort d’apprentissage, même s’ils ne pourront faire le tour en question.

 

D’ailleurs, les conférences sont un cas spécial :

On n’y vient pas seulement pour connaitre un truc, mais surtout pour rencontrer un artiste, qui nous invite à partager sa vision des choses et son savoir faire.

Le débinage de quelques trucs est secondaire dans cette démarche, cela relève plus de la recherche de culture magique que de la recherche de secrets.

 

De plus, la catégorie débinage indirecte me semble mal partagée, puisqu’on y vient « soit pour satisfaire sa curiosité, soit pour s’initier ».

 

La nuance est d’importance entre les deux :

 

Un magicien en chemin veut accroitre ses connaissances générales, afin de pouvoir offrir à son public un meilleur spectacle. C’est tout à fait louable, non ?

 

Par contre, celui venant juste satisfaire sa curiosité, sans penser pratiquer quoique ce soit un jour allant au delà du tour des 21 cartes (la version de bases, je n’ai rien contre celles de Marlo ou d’autres grands noms qui ont analysés le sujet ;) ), celui la ne devrait pas être traité comme un apprenti, mais comme un spectateur curieux.

 

Hors, tous les spectateurs ou presque sont curieux.

Ce n’est pas une raison pour débiner (voir le point « débinage de soulagement » )

 

Donc, je trouverai plus clair de séparer débinage et enseignement, qui sont un peu mélangé dans la catégorie « débinage indirect » de Silvain.

 

C’est d’ailleurs la qu’il est malaisé de faire une distinction entre un enseignement fait à bon escient, et un débinage trop facilement accessible pour le public :

La vie n’est pas simple…

 

Sur AOS, par exemple, il y a estimations du niveau, en fonction des interventions et de ce que donne l’intervenant aux autres.

 

Il y a donc risque de débinage accru, puisque ceux qui veulent monter dans le classement peuvent avoir tendance à en dire un peu plus, pour montrer qu’ils savent.

 

D’un autre coté, un forum est un lieu de discussion, et AOS étant entre autre fréquenté par des débutants, il participe de la formation :

 

Faire le tri entre ce qu’il faut dire en public, en message privé, ou carrément ne pas dire est parfois délicat…

Cela donne l’indécision, l’angoisse, la pression est énorme…
 

On s’étonne après cela que les magiciens soient tous plus ou moins fou, quelque part… :)

 

Gilbus.

Poster un commentaire

Vous devez ętre inscrit et identifié pour utiliser cette fonction.

AoSnaute? Connectez vous